samedi 22 août 2009

Le liseur - Bernhard Shlink

Le film - The Reader -, quoi qu'on en dise est génial: déconstruction dans le montage, une Kate Winslet, si ce n'est mal attifée -, débordante de sensibilité oscillant entre sévérité et docilité, un David Kross étonnament précoce, et un Ralph Fiennes (La liste de Schindler) comme on l'aime, le tout rondement mené, fidèle au roman, et ceci n'est pas une tare!!

Conscience déconcertante?

S’il est une période de l’histoire qui a fait couler beaucoup d’encre, souvent relatée au travers de l’horreur, c’est bien celle de la Shoah. Toutes les formes et tous les genres sont passés au crible : des témoignages aux journaux intimes, en passant par les récits historiques, tout semble avoir été étudié sur l’histoire nazie. Bernhard Shlink, lui, n’a que faire de se heurter au genre, puisqu’il parvient à installer un nouveau climat, une nouvelle vérité semble-t-il. Il use d’un style transparent, en faisant montre d’une neutralité déconcertante. Là où l’indicible faisait force dans la littérature des camps, il fait table rase de l’absence de mots, quitte à démultiplier les questionnements. Mais nul excès de gravité ni pathos ne fait foi. Le liseur reste un roman où la shoah n’intervient in fine qu’en toile de fond. C’est le récit d’un amour équivoque, entre Michael Berg, impliqué malgré lui dans le crime pour avoir été le liseur-amant d’une Hanna Shmitz de vingt ans son ainée, ancienne SS. L’écrivain allemand fait fi des conventions, et se sert de l’union d’une femme à la psychologie dérangeante et d’un enfant d’abord naïf, comme pour mieux souligner après coup la conscience allemande. Celle de Michael Berg par exemple, confronté à un apprentissage de la compréhension. Bernhard Shlink parvient à montrer une autre facette de l’histoire de l’holocauste, celle d’un héritage lourd à porter – en embrassant le thème de la culpabilité -, pour un pays où on a longtemps parlé de déni. Le liseur offre plusieurs niveaux de lecture – loin de tout manichéisme -, qui trouvent toute leur cohérence au sein d’une œuvre déjà méta-textuelle. Face à une époque tragique, difficile à appréhender, Le Liseur n’est pas un de ces romans ouverts qui laisse sur sa faim – mais son auteur fait au contraire preuve d’une grande ouverture d’esprit.