samedi 13 novembre 2010

The Hundred in the Hands, 3 tentatives et un verdict

Il y a avec certains groupes des relations particulières que l’on entretient sans trop comprendre. On les découvre au hasard d'une page MySpace, on les écoute, on aime, et on en vient à intégrer l'album sur notre I-Phone en attendant de les voir sur scène. Mais parfois l'expérience s'avère plus difficile que prévue...

Tout a commencé cet été. Alors que je me rendais à la Plage du Glazart pour entendre les poulains de l’écurie warpienne, voilà que les tourneurs nous annoncent que The Hundred in the Hands ne pourront assurer leur concert. Raisons techniques, logistiques où je ne sais quoi. Le tandem en personne vient s’excuser sur scène, avant de regagner sa loge et laisser les spectateurs penauds.

Un mois plus tard, on réitère l’expérience au festival de Saint-Malo, La Route du Rock, et comme une fatalité la frustration allait une fois de plus frapper. Enthousiaste et plus motivée que jamais à l’idée d'une petite séance de rattrapage, j’attends patiemment la navette à la Gare de Saint-Malo avec une amie direction Fort Saint-Père, pour enfin vibrer sur This Desert. Seulement la navette était autant bourrée que les festivaliers qui l’occupaient. Pleine à craquer de vacanciers surexcités et de campeurs ankylosés de sacs Quechua et de canettes de bières. Il n’y avait rien à faire, hormis rester gentiment sur le quai et sous la flotte une heure de plus jusqu’à l’arrivée de la prochaine navette, qui allait immanquablement nous faire rater la prestation des "100 dans les cheveux", comme nous l’a très bien traduit Eleanore Everdell au Point FMR jeudi dernier – bien que ça ne veuille absolument rien dire on est d’accord.



Parce que oui, je suis parvenue à les voir, mais non sans mal. 21h et des brouettes, énième coup de théâtre. « The Hundred in the Hands va avoir une peu de retard, ils sont sur la route, à 50 km. En attendant un DJ va vous balancer du son et c’est open bar ! Non je rigole ! ». Bah voyons. Une fois n’est pas coutume hein. Une pinte de bière et deux cigarettes plus tard, le couple débarque enfin. Et le public du Point FMR trépigne d’impatience. Il faut maintenant passer le temps des derniers réglages et des balances qui n’ont évidemment pu être effectués dans les règles de l’art. Moyennant un début de set bancal.


La voix d’Eleanore peine à se faire entendre, et on a l’amère sensation que le jeu de guitare de Jason Friedman se réduit à une performance de mime. Les samples et les instrus électro étouffent les rares instruments « organiques ». C’est dommage.
Attendrissant, le duo fait tout ce qu’il peut pour se donner de la constance sur scène. Elle, lève le bras nonchalamment et fait mine d’être d’ores et déjà en transe, et lui, s’excite sur sa guitare comme pour justifier la présence sonore de sa bécane. Mais c’est foutu. Dans la salle électrisée, on a chaud, on est bien trop serrés, et on aurait in fine préféré entendre The Hundred in the Hands sur le dancefloor d’une boîte de nuit. Au moins on aurait pu danser, parce que sincèrement sur scène il n’y a rien à voir. Entre les moments où Jason nous tourne le dos pour cliquer sur son ordinateur et où Eleanor meuble l’espace seule sur le plateau, rares sont les instants de grande intensité.


Imposture ? Pas totalement. La deuxième partie fut nettement plus enivrante, et la jolie brune a tout de même une sacrée voix. Pas suffisant ? Certainement. La formation est bien trop pauvre pour supporter les planches d’une salle de concert, aussi petite soit-elle. Et après deux heures d’attente, on est bien trop vite expédiés, avec seulement une petite heure de show et un rappel lâché à la sauvette sur fond de Tom Tom. Non vraiment ce n’était pas nécessaire. L’électro c’est bien, mais The Hundred in the Hands, malgré un premier effort totalement grisant, n’a pas suffisamment d’étoffe pour nous transporter. On attend donc la venue d’un batteur et d’un vrai bidouilleur de son, et on reviendra les voir, même s’il faut pour cela poireauter encore et encore.

Concert du 11 novembre 2010 au Point Ephémère

jeudi 11 novembre 2010

L'invasion Warpaint à la Cigale

Bon on rattrape le temps perdu, et on continue dans la foulée des festivités...



Samedi 6 novembre, jour 3 du festival Les Inrocks Blacks XS, Warpaint a su s’imposer sur les planches de la Cigale face à un line-up de taille, avec entre autres The Coral et Local Natives.


Il y a dans la musique des Californiennes une signature particulière : une sorte de pop transcendantale enivrante. Les quatre guerrières néo-gothiques se plaisent à invoquer des harmonies célestes et dansantes à la fois, faisant passer les festivaliers d’un état à un autre. Dans la fosse, certains sont émus et d’autres remués. Sur scène les voix planantes s’emparent de l’espace avec grâce et volupté, les riffs de guitares lancinants résonnent avec la même limpidité qu’un carillon, tandis que des roulements de batterie indiquent la marche à suivre.

Le concert a commencé, il est près de 20h et le quatuor féminin n’a pas l’attention de nous bercer à coup de Billie Holiday. Au contraire, il compte bien nous montrer de quel bois il se chauffe à grand renfort de sonorités martiales et sombres. La musique inclassable de Warpaint, entre folk shoegaze et hymne psychédélique, est toute-puissante sans jamais être agressive. Le groupe opte pour un set cohérent où les lumières tantôt sanguines tantôt froides des projecteurs annoncent la couleur du show. A la fois intimiste et chaud comme en témoigne ce duo vocal fiévreux et cette ligne de basse sensuelle, et fantomatique avec réverbérations glaciales.


Les Amazones sont de fines mélodistes qui ont su se façonner un univers bien à elles. On aperçoit Emily Kokal bidouillant les boutons des amplis pour créer cette ambiance expérimentale, puis lâcher sa guitare pour ne s’emparer que du micro, et finalement danser avec frivolité. Complices, les deux guitaristes se font face, sautillent au rythme des frappes de batterie et chantent en cœur leurs incantations mystiques. Malgré l’ampleur et l’exigence voire la rigueur du son, on se retrouve bel et bien devant quatre jeunes filles qui savent aussi faire preuve de légèreté. Less is more : elles ont misé sur la sobriété vestimentaire au profit d’un son magistral. Envolés sonores fulgurantes boostées par une Stella Mozgawa (batterie), possédée.

Les Peintures de guerre ont interprété la majorité des nouveaux titres issus de leur premier album The Fool. On retiendra Burgundy et Undertow : instants épiques. Sans oublier Elephants, que l’on pouvait entendre sur leur EP (Exquisite Corpse), redynamisé sur scène. En moins d’une heure - la prestation aurait mérité d’être plus longue avec notamment un rappel -, Warpaint a su investir l’espace et impulser leur son spécifique : onirique et triomphal à la fois !

John and Jehn, avocats du diable?



Après le passage plutôt réussi de Race Horses, Jeanne et Serg…, euh Jehn et John ou plutôt l’inverse, bref le couple que forment Camille Berthomier et Nicolas Congé débarque sur la scène de la Flèche d’Or. Il est 22h passées et ils sont accompagnés d’une guitariste à la mèche rebelle et d’un batteur aux faux airs de Pierrot, en marinière et faciès opalin. Malgré les références faciles, les frenchies se sont imposés sur la scène de la Flèche comme sur celle du post punk.



C'est avec un aplomb démoniaque que John and Jehn interprètent leur Time for the Devil. Et John nous l'annonce clairement. Alors qu’un illuminé crie « Angoulême! » dans la salle avec entrain, le frontman rétorque avec humour, « c’était donc pour ça les flamants roses ?! Dommage parce que là, c’est l’heure du diable ! ». Et celui-ci d’ajouter en s'adressant à l'équipe technique « lumières rouges s’il te plaît ! ». On y est. Les projos illuminent le plateau d’une couleur sanguine, et le combo se met dans la peau de Lucifer le temps du morceau éponyme. On assiste à une véritable scène d’exorcisme alors que John, possédé, a les yeux qui lui sortent des orbites à l’instar d’un Ian Curtis ressuscité.

Sa voix rauque vient se mêler à la tessiture cristalline de Jehn et, ensemble, ils revisitent les pères fondateurs de la cold wave. On pense au Velvet, à New Order ou encore à Depeche Mode. Mais il y a en même temps la voix de Camille d’une épure déconcertante, qui adoucit la froideur des arrangements. Et cette élégance, je dirais presque à la française. Dommage que le tandem ait cette fâcheuse tendance à en rajouter, et à se faire passer pour des Anglo-Saxons. On entend en effet Jehn rythmer chaque fin de morceau par des « All Right », et s'écrier "Ca va Pariiiiis ?", telle une star internationale en tournée hexagonale. Mais vous me direz que J&J se sont exilés à Londres – cf. le titre-hommage à leur ville d’adoption -, London Town, et qu'on peut donc leur pardonner l’effet de contagion !



Côté son, on apprécie donc ce regain new wave et ce supplément résolument moderne : un alliage de synth pop sous effet de clavier vintage, et d’expérimental emmené par un piano jouet et des percussions enflammées. Le duo a montré sa face obscure et misé sur une ambiance spectrale, si bien rendue sur Vampire et The Ghosts. Telles de vraies rock stars, quitte à tendre vers l’attitude masturbatoire, John and Jehn n’ont pas hésité à ériger leurs guitares comme des phallus géants pour conclure chaque titre avec classe et désinvolture. Mais quand on entend Oh My Love sur scène, on se dit qu’ils peuvent continuer à se branler lâcher sur leur engins tellement c’est bon !