lundi 28 septembre 2009

Wintour gagnant pour The September Issue!



Un documentaire autour du temple et la prêtresse de la mode peut sembler a priori une idée dangereuse. On ne remettra pas le coup de la crise sur le tapis, mais tout de même. Après la comédie légère brillamment interprétée par une Meryl Streep sans âme (Le Diable s'habille en Prada), ou encore après le long métrage sur le dandy déluré Lagerfeld (Lagerfeld Confidentiel), on peut clamer haut et fort: y'en a marre! D'autant que, Anna Wintour ne signifie rien pour la plupart des classes moyennes méprisées, même attirées par une vitrine Chanel le temps d'un aprèm' flâneur boulevard Madeleine, ou légèrement attristées par la faillite de la maison Lacroix. C'est vrai, hors des backstages saupoudrés de paillettes dorées ou... couleur neige, hors des canons de beautés androïdes, hors des discours entachés de minauderies débilitantes, ou encore hors des fringues immétables et hors de prix, que reste-t-il de l'empire de la mode?
Et bien il reste le monde survitaminé de l'édition. RJ Culter nous propulse dans les coulisses et les entrailles, non pas des défilés, mais du magazine le plus glamour de tous les temps: le Vogue US. Et ceci n'est pas une mince affaire. Cinq mois de préparation pour accoucher du très prisé numéro de septembre. Plus de 100 pages, beaucoup d'argent, d'endurance aussi. Aussi superficiel que cela puisse paraître, le Vogue US reste une référence en matière de tendances, mais pas seulement. C'est entouré des meilleurs photographes - Patrick Demarchelier par exemple -, illustrateurs, directeurs artistiques à l'instar du bras droit de Wintour, Grace, (et oui on apprend qu'Anna W. doit aussi beaucoup à cette romantique sur le retour), que la publication Vogue fait table rase de tous les autres mensuels mode. Et pour survivre depuis plus d'un siècle dans l'univers impitoyable de la presse, face à une flopée de magazines aux mêmes prétentions, le Vogue a ces propres recettes. Intellectualiser la mode. Tout est haut de gamme. Les références culturelles abondent. Pour une saison placée sous le signe des années 20, on entend "je veux un côté Brassaï" - photographe et artiste transversal hongrois. C'est que les équipes de Vogue sont avant tout des esthètes. Amateurs de belles choses, c'est tout un univers utopique, au décor subliminal que le magazine revendique. Alors bien sûr, jusqu'à vivre dans un monde préfabriqué et en dehors de tout lien tangible avec la réalité. On connaît le précepte des aficionados de mode: "La mode c'est la vie". Toujours est-il que le documentaire parvient à montrer une Wintour au regard distancié. Ma famille ça les amuse ce que je fais, oui ça les amuse je crois, dixit Mme la rédactrice en chef. Mais on apprend qu'elle a plus d'une corde à son arc. C'est une avant-gardiste cette Wintour. La première à avoir affiché la star en première de couv', et la première à avoir par delà, fait une couverture avec un modèle noir: la cultissime Naomie Campbell. Le docu montre ainsi les ficelles de la réussite, avec ses idéaux et ses astuces en plus, le tout historicisé. C'est toute la chronologie et l'itinéraire du Vogue qui nous est donné à voir, avec ses concurrents, en passant par ses voisins comme le Vogue anglais. La sélection à la Wintour est on ne peut plus drastique. C'est une working girl accrochée 24 sur 24 à son Blackberry qui court de Paris à Milan, et qui a le dernier mot sur tout, le moindre artefact, allant même jusqu'à ridiculiser, voire émasculer les plus grands (J.P Gaultier). RJ Culter nous montre une Anna Wintour telle qu'on la connaît, exigeante et intransigeante, élégante et liftée, tout en dévoilant quelques unes de ces facettes les plus enfouies, celle d'une mère de famille, avec ses rares moments de sourire et d'accalmie dans son cocon familial - bizarrement simple -, et celle d'une femme seule malgré tout, vampirisée par l'industrie de la mode. On la plaindrait presque.

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