lundi 12 octobre 2009

L'art, phénomène de mode ?



Il y a comme une vague de contradictions dans le domaine de la mode. A l'heure où certains couturiers tendent à la populariser en collaborant avec les nouvelles it girls de la musique, d'autres misent sur la transversalité en lançant leur propre collection de graffs (Agnès B à la galerie du jour - Graffiti, état des lieux). Ceux-là, comme Lagerfeld invitant une Lily Allen - nouvelle égérie Chanel -, sur le podium du défilé printemps/été 2010 lors de la Fashion Week pour un show case underground, ou encore Lacroix faisant la couv' des Inrocks aux côtés de Laroux, semblent a priori en manque d'inspiration, ou alors en quête d'une avant garde artistico-culturelle.

La mode, quoi qu'on en dise, reste intimement liée à l'art. Et pour cause, elle puise directement ses sources dans la peinture (les robes de Lacroix aux imprimés Dubuffet), ou encore le cinéma (la vague du futurisme à la Fritz Lang sur les podiums). Or, à en croire la classification des arts (de la sculpture à la bande dessinée, jusqu'au jeu vidéo aujourd'hui), la mode n'est pas en définitive un art. Et parce qu'elle est soumise à l'industrie du luxe, on a tendance à oublier nombre de ces petits doigts de fées, et tous les efforts de création qui en émanent. La mode est avant tout une affaire d'artisanat. Mais ne nous méprenons pas. Quand on voit de nos jours certaines alliances soudaines entre le secteur de la musique, le marché de l'art, et l'industrie du luxe, il y a de quoi être sceptique. La mode, depuis longtemps et toujours réservée au gratin aristo, est désormais victime de son propre élitisme. Maintenant qu'elle peine à se renouveler, nous rabâchant les mêmes tendances défraichies chaque année, elle semble à présent vouloir conquérir un autre public. Fini la bourgeoise et sa panoplie fourrure Fendi et lunettes oversize Dior. La haute couture se démocratise et atteint les jeunes dandys épris d'une nostalgie sixtees - époque qu'ils n'ont même pas connue. Si bien qu'un regain rock'nd pop mariant zik et fringues, vient aujourd'hui sensibiliser les bébés bruns et blonds avides de culture frip and Bob Dylan. Alors on nous balance quatre pages d'interview autour du maître de la couture originale et marginale, Lacroix, et de la nouvelle icône de rock au look impertinent et élégant, Laroux. On nous fait croire en une complicité entre les deux empires, assurant une connivence esthétique et un certain penchant pour les époques antérieures, traduisant un grosso modo: aujourd'hui, tout est à jeter. La musique est au revival eighties et la mode est stricto sensu morte. Une promiscuité apparente entre la haute couture et l'art, comme pour légitimer la mode dans le paysage artistique. Quand on sait que la maison Lacroix est en cessation de paiement depuis le mois de mai dernier, quand la crise touche l'industrie du disque aussi, et quand enfin l'art se banalise, tout ce brouillage de frontières entre certains secteurs de la culture fait mouche.

Lily Allen, phénomène de culture pop en mode myspace, ancien personnage étrange aux cheveux roses, et au look hybride associant robe Oui-Oui/basket, finit par devenir égérie Chanel. Elle fait les couv' des magazines et devient une muse sublimée sous "l'objectif de Karl Lagerfeld", précise-t-on dans Elle. Et Lagerfeld de devenir un photographe, un artiste magnifiant son modèle. A ceci près qu'on continue à avoir du mal à imaginer une Lolita qui chante des "fuck you" à tout va, assumer le rôle d'égérie chic. La mode se rebelle. Bof.
Puis les artistes eux-mêmes se dirigent vers ces grandes enseignes de luxe. Prenons David Lynch, sans doute le plus sulfureux et le plus opaque des réalisateurs américains - à l'esthétique expressionniste et onirique -,qui se tourne vers les Galeries Lafayette. Une exposition autour de sa collection surréaliste, Machines, Abstraction et femmes, était visible (fin septembre, début octobre), depuis les vitrines des Grands Magasins. Cette collaboration rend de fait accessible l'art à tous, en même temps qu'elle opère un bon coup de pub pour les grands magasins du boulevard Haussmann. On se souvient même d'un noël 2008, où Lagerfeld investissait aussi les vitrines du Printemps, d'un univers féérique avec poupées suspendues et jeux de lumières à l'égal d'une installation artistique. Alors, coup de génie ou grosse supercherie?

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